• La VIe République, cette fausse bonne idée

     
    Il y a Benoît Hamon le frondeur. Toute une campagne construite, durant les primaires socialistes, contre la politique gouvernementale,  trop libérale. Et il y a l’autre. Celui dont le projet est moins proche de Mélenchon que de l’eau tiède. Pis, certaines de ses mesures sont contraires à l’image qu’il souhaite donner. Certaines de ses propositions semblent tout droit sorties d’une bible libérale, voire des courants libertariens. Mister Jekyll et Mister Hyde ? Peut-être… Ou alors, lui-même ne s’est pas  pleinement plongé dans le raisonnement de ses idées.

    L’une d’elles, la plus célèbre, est même le pilier de son projet politique : l’instauration d’un revenu universel. Sur le papier, son argumentation et son schéma semblent évidemment suivre un raisonnement dit « gauchiste ». Mais sur le papier seulement. En réalité – et c’est aussi l’une des raisons de l’opposition de Jean-Luc Mélenchon sur le sujet – l’instauration du revenu universel est en phase avec l’objectif de société prôné par les libre-échangistes…

    Benoît Hamon pose comme préalable que l’évolution technologique de demain n’accordera pas, à tous les citoyens, une place sur le marché du travail – d’où la nécessité d’un revenu universel. La mise en place d’un salaire garanti permettrait de légitimer la baisse des coûts salariaux. Une aubaine pour les grandes entreprises. Chaque citoyen percevant une même somme venant de la collectivité, le secteur privé n’aurait qu’à prolonger ce salaire pour donner l’impression de l’utilité du travail accompli.

    Ce revenu, vraiment très universel, serait d’ailleurs perçu par tous les citoyens, sans exception, de Liliane Bettencourt au chômeur longue durée, quelle que soit leur richesse. Tant et si bien que, dans notre économie globalisée, le marché s’adaptant très vite, le revenu universel aurait pour conséquence inéluctable l’adaptation dudit marché et donc une substantielle inflation des prix, chaque foyer étant assuré de disposer d’un revenu minimum. Les pauvres seront toujours pauvres mais auront l’illusion d’être en situation moins précaires. C’est une variante de l’effet  « tittytainment », créé par Zbigniew Brzezinski, conseiller stratégique américain sous les présidences de Jimmy Carter et Barack Obama : si vous leur livrez assez de distraction (du « divertissement abrutissant ») et d’alimentation, les classes moyennes et populaires seront satisfaites, soumises au système, moins enclines à la révolte. Pour le plus grand bonheur des élites financières.

    Les couches moyennes et faibles seront enfin les grandes perdantes du salaire universel qui implique la fin des allocations, donc du principe d’équité, selon les revenus des foyers. Les allocations auront toutes fusionnées dans ce revenu universel. Si bien que certains foyers, qui cumulent actuellement lesdites allocations, ou qui pourraient y prétendre, seront forcément perdantes financièrement.

    Les écoliers, de futurs consommateurs en puissance

    L’autre révélateur du faux-gauchisme de Benoît Hamon, c’est sa vision de l’école. Lui qui n’a été ministre de l’Education nationale que quatre mois, a tenu, lors de son discours d’investiture en tant que candidat socialiste, le 5 février, à remercier les efforts de celle qui lui a succédé au ministère, Najat Vallaud-Belkacem, qui précédée de Vincent Peillon, a continué ce que François Fillon avait initié en 2005 avec la loi d’orientation, soit la sacralisation des thèses libérales, sur les recommandations de la stratégie de Lisbonne de 2000 (définie par le Conseil européen).

    A LIRE AUSSI >> S’IL RESSUSCITE, FILLON FERA-T-IL LA CHASSE AUX PÉDAGOS? CONSERVATEUR OUI, MAIS LIBÉRAL

    Les principes de la « loi Fillon » : la remise en cause de l’apprentissage des savoirs fondamentaux au profit des compétences, formatées pour le marché. Il faut créer une nouvelle race d’élève, prêt à l’emploi, prêt à s’adapter au marché. La réflexion et tout ce qui relève du « citoyen éclairé », cher au principe fondateur de la République, est inutile au marché. C’est exactement ce que les « pédagogistes » – soutenus par Benoît Hamon – souhaitaient. Faire de l’école, un lieu d’animation « branchouille » où l’élève ne serait plus tenu par le redoublement, la discipline, le savoir. L’élève doit maintenant mettre à profit les données, qu’on lui offre sur un plateau, pour trouver des moyens de satisfaire un problème. Des problèmes qui ne sont plus de l’ordre d’un calcul mental, d’une réflexion chronologique sur les événements historiques ou d’une recherche de résolutions de fautes d’orthographe. Non ! Il s’agit désormais d’une course vers la modernité, ou  – dit de manière moins correcte – vers les nouvelles pratiques de consommation. On a fondé des partenariats avec des entreprises comme Microsoft pour satisfaire les besoins numériques de l’école… Et permettre aux élèves d’être compatibles aux produits Microsoft. On force les professeurs à créer des cours sur ordinateurs, calculatrices, sous forme de jeux.  La création du vide, pour former de bons consommateurs.

    En France, les idéologues se nomment Philippe Meirieu ou Florence Robine. Cette dernière, placée par Benoît Hamon à la Direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO) en 2014, avait osé : « Il faut être capable de mettre des élèves en autonomie sans le professeur. Oui c’est possible. On n’a pas forcément besoin d’un enseignant pour apprendre . »  Cela nous vous rappelle rien ? Certains discours sur le trop grand nombre de professeurs… Trop coûteux, pas rentables. C’est oublier que dans certaines zones de la France périphérique, des écoles manquent encore d’instituteurs et d’enseignants… Peu importe, pour les « pédagogistes » et les néolibéraux, les enfants de l’élite pourront se payer les professeurs du privé, venant des très lucratives entreprises comme Acadomia, pour acquérir le savoir que les établissements ne peuvent offrir au plus grand nombre.

     
     

     

     

    Article de Bastien Gouly pour Causeur.


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